Communiqué
du CIREN (*) publié à l'occasion de la chaîne
humaine contre le nucléaire civil et militaire du 9 mars, à
quelques jours du deuxième anniversaire de Fukushima.
(*)
Collectif citoyen d'Information sur la Radioactivité
Et le Nucléaire - ciren@mailoo.org
La
France, pays le plus nucléarisé du monde (en nombre de
réacteurs par habitant) compte 58 réacteurs et, ce que
l'on sait moins, 1 100 sites contenant des déchets nucléaires.
Tout cela pour fournir 80% de notre électricité mais
seulement 17% de notre consommation d'énergie !
Or,
de l'aveu même de l'ancien président
de l'Autorité de Sûreté Nucléaire,
André-Claude Lacoste, « Personne
ne peut garantir qu'il n'y aura jamais un accident grave en France »
(Le
Figaro 31 mars 2011). Alors ? Faut-il attendre une catastrophe (*)
pour décider de mettre un terme à ce que des
observateurs de plus en plus nombreux considèrent comme une
aberration économique, sociale, environnementale et sanitaire
? Et que dire de nos décideurs qui, conscients du risque
continuent de clamer haut et fort que tout va pour le mieux dans le
meilleur des mondes ?
(*)
En France, 75 % des réacteurs ont plus de 25 ans
La
centralisation, mère de tous les maux
Le
tout-nucléaire français se caractérise par deux
éléments essentiels : ses origines militaires et le
centralisme outrancier à la française. Ces deux marques
de fabrique expliquent l'opacité permanente qui entoure toute
information même en cas d'accident grave et la mainmise d'une
minorité sur les décisions. Les entreprises publiques
de l'énergie ont totalement verrouillé l'information au
point d'en priver même leur ministère de tutelle.
À
cela se rajoute la forte syndicalisation de ce secteur qui a
progressivement dérivé vers une défense de la
politique nucléaire plutôt que de la clientèle,
contribuant ainsi à l'éloigner de sa mission de service
public. Voilà pourquoi, rien ou peu n'a été fait
en termes de réduction de coûts, d'efficacité
énergétique, de diminution de la consommation
d'électricité, d'économies des ressources ou de
prévention des pollutions ou des risques.
Vous
avez dit oligarchie ? Vous avez raison.
Cette
situation s'est installée durablement au fur et à
mesure de la montée en puissance de l'industrie nucléaire
à partir de 1974, initiée par la décision
giscardienne d'un vaste programme de nucléarisation de la
France, prise, faut-il le rappeler, sans aucune consultation de la
population française.
Ce
déficit de démocratie n'a cessé de se creuser et
ce, malgré le succès de certaines mobilisations
citoyennes (Plogoff ou Le Pellerin)
Désinformation
sans frontières
Rappelons
par exemple le débat sur l'énergie de 2002
(gouvernement Raffarin) ne rassemblant pratiquement que des
fonctionnaires ou des salariés des grandes entreprises
publiques et bien sûr le Grenelle de l'Environnement en 2007 où
le sujet du nucléaire fut d'emblée écarté
!
L'autre domaine ou s'exerce ce qui est une véritable omerta est celui de l'information.
Citons
Eric Besson, alors ministre de l'industrie, insistant en 2011, juste
après Fukushima sur "l'effort
de transparence de l'ASN (autorité de sûreté
nucléaire ) et de l'IRSN (Institut de radioprotection et
de sûreté nationale) qui informent sans relâche.
Toute l'information que nous avons, nous la donnons"
Transparence
? Quelle transparence ? Celle qui prétend que rien ne
peut nous arriver en France alors que nous avons, sans le savoir,
frôlé à plusieurs reprises la catastrophe sur
notre propre territoire ? (voir encadré ci-dessous)
Mais
nous n'avons malheureusement pas le monopole de la désinformation.
Une
enquête du « Guardian » a mis à jour la
véritable intoxication médiatique mise en place en 2011
par le gouvernement britannique afin de minimiser l'importance de la
catastrophe de Fukushima, illustrant la collusion entre le lobby
nucléaire et le gouvernement de David Cameron comme auparavant
avec Tony Blair.
Aux
Etats-Unis, la centrale de Hanford (1), fermée en 1987 détient
les deux tiers des déchets nucléaires du pays.
D'importantes fuites ont été détectées
depuis longtemps sans que le gouverneur de l'État ne s'en
émeuve. Aujourd'hui, il se contente simplement d'assurer que
la population ne court aucun danger.
Ces
pratiques de dissimulation au sein des États se font
évidemment sentir lors des discussions internationales sur la
sécurité et la sûreté nucléaire.
L'Union
Européenne a vécu de fortes tensions lorsqu'elle s'est
heurtée au refus français de durcir les « stress
tests » après Fukushima. La question de
l'indépendance de l'expertise nucléaire a été
posée, pour l'instant sans réponse satisfaisante.
Même
chose au niveau mondial. L'AIEA (Agence Internationale de l'Energie
Atomique) est en effet liée à l'OMS (Organisation
Mondiale de la Santé) par un accord, daté de 1959,
stipulant que les deux agences "peuvent être appelées
à prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le
caractère confidentiel de renseignements qui leur auront été
fournis". Comment alors s'étonner de la
quasi-inexistence de rapports sérieux et d'actions
significatives de l'OMS après Tchernobyl et Fukushima ?
Alors que faire ?
(1)
Le site de Hanford, construit en 1940 est tristement célèbre
pour avoir produit les bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki.
« Le
risque ne doit plus être imposé, il doit être
choisi »
En
France, l'opinion publique est largement méfiante voire
hostile face au nucléaire (voir encadré ci-dessous) et,
comme l'indique Michèle RIVASI (2) : « Le
débat sur le nucléaire est un enjeu de transparence
et de démocratie : le risque ne doit plus être imposé,
il doit être choisi. Et pour cela, les citoyens doivent avoir
accès à une information transparente et
contradictoire »
Les
nucléocrates, opposés au débat, utilisent un
argument qu'ils croient imparable, « le sujet est trop
complexe », afin de masquer les vrais enjeux : la
balance entre les avantages et les inconvénients de cette
industrie . Mais en même temps, il résume bien l'état
d'esprit de nos décideurs, emplis de certitudes. A ceci près
que la question n'est pas technique mais sociale, sociétale,
environnementale et sanitaire. De quel droit quelques-uns
s'arrogeraient-ils le droit de décider du choix de notre mode
de vie et de celui de nos descendants ?
Il
faut un vrai débat, un débat qui va au delà des
questions économiques ou de confort, un débat qui
dépasse le cadre de nos habitudes, ce que résume bien
cette formule d'Einstein : « On ne résout pas un
problème avec les modes de pensée qui l'ont engendré »
Il
est tout à fait possible d'organiser des conférences de
citoyens ou des sondages délibératifs à
condition de s'en donner les moyens et surtout d'en avoir la volonté
politique. Cela a déjà été pratiqué,
notamment au Japon. Bien entendu, cela ne s'improvise pas. Il faut
prodiguer aux participants la formation nécessaire pour
pouvoir discuter efficacement avec un panel de spécialistes,
mais ensuite, quel enrichissement pour les uns et les autres !
Le
débat nucléaire est justement l'occasion d'inaugurer ce
type de consultation
Prenons
notre destin en main
Et
puis, au quotidien, il y a l'information nécessaire, et
puisqu'on ne nous la donne pas allons la chercher !
Le
but d'une manifestation telle que la chaîne humaine est
justement de faire découvrir les sources d'information
existantes, d'inciter celles et ceux qui souhaitent en savoir plus à
se mettre en relation afin qu'à leur tour, ils échangent,
partagent, débattent.
Il
y a toujours, pas loin de chez nous une association, un groupe, un
collectif menant régulièrement ce genre d'échanges
sur le terrain. Une liste est disponible sur le site internet de« Sortir du nucléaire »
Face
à ceux qui détiennent les leviers de décision,
la lutte peut paraître inégale, mais est-ce une raison
pour ne rien faire ?
Bien
au contraire, prenons notre destin en main et faisons en sorte de ne
pas avoir à rougir plus tard devant nos descendants car nous
ne pourrons plus dire que nous ne savions pas.
(2)
Députée européenne EELV – Fondatrice de la
CRIIRAD - http://www.criirad.org/
(Commission
de Recherche et d'Information Indépendantes sur la
Radioactivité)
Les
incidents et accidents nucléaires en France
Sur
l'échelle des événements nucléaires
allant de 0 à 7, l'ASN reconnaît officiellement en
France plusieurs centaines d'écarts de niveau 0 et une
centaine d'anomalies de niveau 1.
Beaucoup
plus grave, des accidents de niveau 4 ont eu lieu dans la centrale de
Saint Laurent des Eaux (Loir et Cher) en octobre 1969 et en mars
1980, en mai 1988 à Civaux (Vienne), en décembre 1999 à
la centrale de Blaye ou encore à Golfech lors de la canicule
de 2003.
(Source
: Greenpeace).
Sondage
CSA pour Greenpeace mars 2012
80%
des français pensent que la France est trop dépendante
de l'énergie nucléaire et qu'elle devrait diversifier
ses sources d'énergie
88%
des français déclarent être insuffisamment
informés sur les mesures d'urgence à prendre en cas
d'accident nucléaire
76%
des français pensent que les centrales françaises sont
vieillissantes et que cela augmente les risques d'accident
84%
des français pensent que les citoyens ne sont pas suffisamment
consultés en matière d'énergie et dans le choix
du nucléaire
54% des français
pensent que la France pourrait se passer de l'énergie
nucléaire en privilégiant les énergies
renouvelables et les économies d'énergie.
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