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Source : "Tenir la route" www.tenirlaroute.fr |
Les
mots ne trompent pas. L'expression « Rouler à tombeau
ouvert », ô combien explicite ne semble pas déranger un
certain nombre de nos concitoyens, totalement oublieux du carnage
dont les routes françaises furent le théâtre dans les années d'après-guerre jusqu'en 1972, à une époque où le laisser-faire était de règle.
Un
exemple ? L'annonce récemment faite par le ministère de
l'Intérieur d'un projet de
réduction des vitesses
maximales autorisées en
ville et sur route a eu pour
effet immédiat le déclenchement d'une pétition de protestation
circulant sur Internet. Ayant eu le privilège (?)
de la recevoir, et le sujet nous intéressant (mais peut-être pas
pour les mêmes raisons que les expéditeurs) nous avons pris la
peine de prendre nos
informations. Après tout,
le droit de pétitionner constitue un élément fondamental de notre
démocratie et n'étant jusqu'à preuve du contraire ni en Russie ni
en Corée du Nord,
chacun
ici a le droit d'exprimer une opinion ou
d'alerter ses concitoyens sur quelque sujet que ce soit. Il
appartient ensuite au destinataire de se rallier ou non, ce
ralliement, pris en toute responsabilité, impliquant
toutefois de prendre un minimum de précautions quant à l'origine et
au fond du texte proposé.
La
pétition en
question émane de la Ligue
de Défense des Conducteurs
qui, si elle
expose
clairement ses motivations et actions sur son site Internet reste
très discrète sur son fonctionnement. Nous avons vainement cherché
à en savoir plus sur le
nombre d'adhérents,
l'origine et la destination
des fonds ou l'identité
des membres du Conseil d'Administration.
Autant d'informations dont nous sommes preneurs et que nous
diffuserons volontiers si nous les obtenons.
En
cherchant bien, nous
apprenons tout de même que cette association est issue de la Ligue
de Défense du Citoyen à laquelle elle s'est substituée en
septembre 2012 (voir ici).
Cette dernière s'était déjà
illustrée par une virulente opposition à la mise en place des
éthylotests. Tiens, tiens.
En
cherchant un peu plus, nous découvrons aussi qu'elle dispose de
moyens confortables (voir les comptes 2012). Jusque là, tant mieux pour elle. Mais alors
pourquoi est-il impossible d'en savoir plus ?
Enfin,
nous avons effectué un petit tour des sites Internet parlant
de la pétition.
Indépendamment
des sites voués à l'automobile qui pour la plupart se posent les
mêmes questions que nous (voir par exemple ici), d'autres
sites ne font pas preuve des
mêmes scrupules et
la soutiennent à bloc.
Parmi eux, des sites
politiques, classés à la droite de la droite (extrême-droite ou
droite dite
« populiste »). Citons le FN
Alsace, « Droite nationale », « Partisans de
Marine » et le site
de Bruno Gollnisch.
Alors,
à droite toute ? Cela prêterait à sourire dans le cadre d'un
sujet sur la conduite automobile, mais même l'humour a aussi ses
limites. En tous cas, nous
sommes sûrs d'une chose, c'est que cette Ligue de Défense des
Conducteurs ne doit pas manquer pas de front.
Avant
de conclure sur le sujet des fréquentations, attardons-nous un
instant sur la « Société de Calcul Mathématique » que
la Ligue de Défense des Conducteurs cite abondamment sur son site
Internet.
Cette
société (une vraie, une SA, pas une association) vient prêter
main-forte à nos pétitionnaires en publiant une étude dont les
remarquables calculs démontrent infailliblement l'inexistence de
corrélation entre vitesse et accidents mortels. Allez faire un tour
sur leur site Internet (Si, si ! Il faut vraiment le faire !).
Accessoirement vous y découvrirez aussi que ces braves gens évoluent
allègrement dans le climato-scepticisme, pourfendant les énergies
renouvelables et soutenant mordicus le nucléaire (on ne connaît pas
leur position sur les hydrocarbures de schiste). Un révisionnisme
d'un autre genre en quelque sorte.
Dans
la série « Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu
es », voilà donc qui nous éclaire.
Venons-en
à la méthode d'argumentation et ses grosses ficelles.
La plus évidente d'entre elles est
incontestablement l'absence de références venant en appui
des arguments chiffrés dont le texte fourmille. L'origine des
présumés documents, textes ou études reste inconnue rendant leur
consultation intégrale impossible pour le lecteur désireux
d'approfondir le sujet. On est prié de faire confiance aux
instigateurs de la pétition en se contentant d'un vague « on
dispose de données... » ou d'un « selon les
premières estimations... »
Et
quand, par extraordinaire, la source est citée, comme c'est le cas
pour l'étude de l'ADEME, on se rend compte, en consultant le
document complet (qu'il faut tout de même rechercher par ses propres
moyens) que ses conclusions sont tout à fait à l'opposé de ce qui
est annoncé ! (Voir le détail en fin d'article)
Principe
bien connu de désinformation : on
prend une étude effectuée par un organisme reconnu, on
en
extrait une remarque ou une
réserve formulée honnêtement par les auteurs, et on en fait une
généralité, déformant ainsi totalement les conclusions.
Et
puisqu'on peut tout dire, pourquoi se priver des affirmations
gratuites, dénuées de toute justification mais assénées avec
aplomb comme des vérités définitives : « Comme ce
sera impossible de tenir des vitesses si basses... » ou :
« Les maintenir au niveau actuel (ndlr : les
vitesses) est déjà discutable. Mais les baisser, c'est
carrément indéfendable »
Le
tout à coup de : « Qui peut croire... » ou
de : « Et on voudrait nous faire croire... »
censés enfoncer le clou.
Il
s'ensuit logiquement la victimisation car, bien sûr, nous
allons tous être verbalisés et « Les PV pour
"excès" de vitesse vont nous tomber dessus en rafale »
ce
qui sera « insupportable pour des
millions de Français qui ont déjà du mal à joindre les deux
bouts ».
Nous
sommes désormais en pleine dramatisation, et mûrs pour ne
pas rester insensibles à cette déchirante supplique : « S'il
vous plaît, aidez-nous à stopper de toute urgence ce projet
effroyable »
En ce qui concerne le
fond, chacun pourra facilement trouver les contre-arguments. Les
sources figurant en fin d'article pourront les y aider.
Mais
autant il est inutile d'aller plus loin dans le commentaire, autant
il est nécessaire de prendre cette affaire au sérieux.
Craignons
l'impact que peut avoir cette pétition dont la démagogie manifeste
s'appuie sur notre traditionnelle résistance au changement et la
sacralisation de l'automobile.
Craignons
également que cette désinformation totalement malhonnête,
diffusée par de troubles commanditaires, touche bon nombre de
personnes déjà fragilisées par une conjoncture économique
incertaine. Et c'est bien là le plus sordide de l'affaire.
C'EST
POURQUOI N'HESITEZ PAS A DIFFUSER CET ARTICLE LE
PLUS LARGEMENT POSSIBLE AFIN QUE CHACUN PUISSE SE FAIRE UNE IDÉE
OBJECTIVE DE LA SITUATION ET, SOUHAITONS-LE, EMPÊCHE EN TOUTE
CONSCIENCE LA VAGUE DE SIGNATURES ESPÉRÉE.
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Source : Sécurité routière belge |
Des
sources fiables pour s'informer sur le sujet
La vérité sur l'étude de l'ADEME (Sources : ici et là)
Dans une étude publiée en
octobre 2013, l'ADEME a mesuré l'impact environnemental des
réductions des limites de vitesse. Il en résulte un gain de 14 %
sur autoroute (130 km/h à 120 km/h), de 12 % sur voie rapide
(110 km/h à 100 km/h) et de 4 % sur route (90 km/h à 80 km/h).
Cette étude précise également
que des gains significatifs seraient enregistrés sans baisser les
limites actuelles, à condition qu'elles soient respectées.
En
ce qui concerne la circulation en ville (passage de 50 km/h à 30
km/h), les résultats sont contradictoires compte-tenu de
l'interaction entre différents facteurs dont les comportements et la
configuration des voies, le tout jouant sur la
fluidité du trafic.
Nous
ferons remarquer qu'un moyen beaucoup plus efficace de réduire la
consommation de carburant en ville est tout simplement de laisser sa
voiture au garage et d'utiliser tout autre moyen de déplacement,
individuel non motorisé ou collectif.