Source : alterinfo.com |
Le
dernier Conseil Municipal, en date du 9 octobre (voir
le compte-rendu ici) a fait l'objet d'un débat
particulièrement animé suivi d'un vote inhabituel :
le
rejet d'une proposition d'implantation de 14 caméras sur 6
sites « à risque ».
C'est
en effet par 13 voix contre 8 et une abstention (il y avait 5 absents
non représentés !) que la proposition a été
rejetée.
Une
révolte ? Ou pire, une révolution ? Non, tout au plus
une tempête dans un verre d'eau. Même si cet événement
tranche avec le conformisme ambiant du Conseil Municipal milliacois
il suffit de le replacer dans son contexte pour en mesurer la
quasi-insignifiance.
Voilà
qui mérite quelques explications.
Lors
du Conseil du 28 novembre 2011, le Conseil Municipal avait « approuvé
le principe d'extension du dispositif de vidéo-protection de
la ville et autorisé le maire à entreprendre les
démarches nécessaires à l'obtention des
subventions du Fonds Interministériel de Prévention de
la Délinquance et des agréments des autorités
compétentes. L'assemblée avait néanmoins requis
d'être à nouveau consultée pour définir le
nombre et l'implantation des nouvelles caméras ».
C'est
donc de l'implantation de 14 nouvelles caméras dont il était
question et non du principe de leur acquisition, celui-ci ayant déjà
été approuvé.
L'essentiel
du débat a donc été nourri par l'opposition
d'une majorité d'élus, toutes tendances confondues, à
l'implantation de 5 caméras supplémentaires sur la
place de la Halle, et le fait que ce choix soit conforme aux
préconisations de la Police Nationale et de la Gendarmerie n'y
a rien changé. Les élus réfractaires ont
notamment regretté que les écoles ne soient pas
considérées comme des points sensibles. Ils ont
également déploré que les entrées/sorties
de ville ne soient pas couvertes par le dispositif.
A
ce sujet, les arguments des porteurs du projet sont particulièrement
éclairants à la fois sur les objectifs qu'ils
poursuivent et leur état d'esprit. Voici, d'après le
procès-verbal de séance, ce que précise l'un
d'eux : « Monsieur DUCRUIT souligne que le choix des
emplacements est effectué par la gendarmerie en fonction des
lieux de rassemblement et non dans l'optique de protéger les
habitations des particuliers. Il déclare connaître
quelque peu les jeunes de la ville, certains d'entre eux peuvent
selon lui être violents ».
Signalons que l'intervenant susnommé,
mécontent du vote, a quitté la salle avec perte et
fracas. Voilà qui fait tâche dans un lieu qui reste
malgré tout emblématique de l'expression démocratique.
On peut lire par ailleurs un autre
argument : « S'agissant du parking BOUDET et du lavoir
attenant, ces lieux faisant régulièrement l'objet de
rassemblement de jeunes, il est fréquent d'y retrouver des
bouteilles cassées et d'y constater des dégradations de
mobilier urbain et de véhicules. La mise en place d'une
caméra endiguera ce problème ».
On ne peut être plus clair. Le
jeune, voilà l'ennemi ! Mais fort heureusement nous avons
l'arme absolue pour le combattre : une caméra, et hop, on n'en
parle plus. La politique municipale, c'est simple, après tout!
Rappelons que l'origine du débat
n'était pas « pour ou contre les caméras »
mais « où placer les caméras ? ».
Et c'est pourquoi, en définitive, le dit parking BOUDET a obtenu
la clémence des élus rebelles qui lui ont
généreusement octroyé la caméra tant
convoitée, dont la mise en service lui permettra immédiatement
de retrouver une douce quiétude. (Mais si ! Mais si !
Puisqu'on vous le dit !).
Que le projet global d'implantation
ait été rejeté cette fois-ci est donc
anecdotique. On peut aisément prévoir une délibération
ultérieure reprenant les contre-propositions des rebelles, et
Milly-la-Forêt disposera de ses 14 caméras
supplémentaires (financées en grande partie par des
subventions publiques) et tout ira pour le mieux dans le
meilleur (?) des mondes.
Voilà donc un épisode
de la vie milliacoise qui nous montre une fois de plus combien les
apparences sont trompeuses. Si débat il y a eu, il n'a pas
abordé le fond, c'est à dire la question-même de
l'utilité, de l'efficacité et de la légitimité
d'un système de vidéo-surveillance (faussement présenté
comme de la vidéo-protection).
Puisque certains lieux dits
sensibles sont dûment identifiés, n'aurait-il pas été
judicieux de s'interroger sur les alternatives à la
vidéo-surveillance et notamment sur l'action de la police
municipale et de la gendarmerie ?
N'aurait-il pas été
judicieux de s'interroger sur l'efficacité de la
vidéo-surveillance en général alors que de
plus en plus de rapports et d'études la remettent en cause ?
Voir ci-dessous les articles
concernant en particulier un rapport de la Cour des Comptes de
juillet 2011 dont la conclusion est implacable :
« L’absence,
en France, de toute évaluation rigoureuse de l’efficacité
de la vidéo-surveillance de la voie publique est une lacune
dommageable, notamment au regard du montant des dépenses
publiques engagées »
Et puisqu'il est question de
sécurité, ne serait-il pas judicieux de se pencher
enfin sérieusement sur une autre forme de délinquance
dont nous pâtissons quotidiennement : la délinquance
routière ?
Oui, Big Brother attendra ses petits
frères, mais combien de temps ?
NB : Fidèle à ses
habitudes, la mairie de Milly-la-Forêt a publié sur son
site internet un compte-rendu édulcoré de ce Conseil.
Le détail des discussions n'y figure pas. Pour en prendre
connaissance, il faut soit se déplacer à la mairie où
le procès-verbal complet est affiché, soit en faire la
demande auprès des services municipaux (ce que nous avons
fait, mais encore sans réponse d'où un simple
compte-rendu en annexe).
Pour en savoir plus sur la
vidéo-surveillance :
« Nous avons tous été insupportables et il convenait de l’être, car seul l’esprit de contradiction sauve de la routine, et si le rôle de la jeunesse n’était pas de se cabrer contre ce qui est, même si elle l’admire, son rôle se bornerait à l’obéissance et à peupler les champs de bataille. » Jean Cocteau - Citoyen d'honneur de Milly-la-Forêt
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