mardi 6 novembre 2012

Milly-la-Forêt : Big Brother attendra ses petits frères ... pour le moment

Source : alterinfo.com

Le dernier Conseil Municipal, en date du 9 octobre (voir le compte-rendu ici) a fait l'objet d'un débat particulièrement animé suivi d'un vote inhabituel :
le rejet d'une proposition d'implantation de 14 caméras sur 6 sites « à risque ».
C'est en effet par 13 voix contre 8 et une abstention (il y avait 5 absents non représentés !) que la proposition a été rejetée.

Une révolte ? Ou pire, une révolution ? Non, tout au plus une tempête dans un verre d'eau. Même si cet événement tranche avec le conformisme ambiant du Conseil Municipal milliacois il suffit de le replacer dans son contexte pour en mesurer la quasi-insignifiance.

Voilà qui mérite quelques explications.

Lors du Conseil du 28 novembre 2011, le Conseil Municipal avait « approuvé le principe d'extension du dispositif de vidéo-protection de la ville et autorisé le maire à entreprendre les démarches nécessaires à l'obtention des subventions du Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance et des agréments des autorités compétentes. L'assemblée avait néanmoins requis d'être à nouveau consultée pour définir le nombre et l'implantation des nouvelles caméras ».

C'est donc de l'implantation de 14 nouvelles caméras dont il était question et non du principe de leur acquisition, celui-ci ayant déjà été approuvé.

L'essentiel du débat a donc été nourri par l'opposition d'une majorité d'élus, toutes tendances confondues, à l'implantation de 5 caméras supplémentaires sur la place de la Halle, et le fait que ce choix soit conforme aux préconisations de la Police Nationale et de la Gendarmerie n'y a rien changé. Les élus réfractaires ont notamment regretté que les écoles ne soient pas considérées comme des points sensibles. Ils ont également déploré que les entrées/sorties de ville ne soient pas couvertes par le dispositif.

A ce sujet, les arguments des porteurs du projet sont particulièrement éclairants à la fois sur les objectifs qu'ils poursuivent et leur état d'esprit. Voici, d'après le procès-verbal de séance, ce que précise l'un d'eux : « Monsieur DUCRUIT souligne que le choix des emplacements est effectué par la gendarmerie en fonction des lieux de rassemblement et non dans l'optique de protéger les habitations des particuliers. Il déclare connaître quelque peu les jeunes de la ville, certains d'entre eux peuvent selon lui être violents ».

Signalons que l'intervenant susnommé, mécontent du vote, a quitté la salle avec perte et fracas. Voilà qui fait tâche dans un lieu qui reste malgré tout emblématique de l'expression démocratique.

On peut lire par ailleurs un autre argument : « S'agissant du parking BOUDET et du lavoir attenant, ces lieux faisant régulièrement l'objet de rassemblement de jeunes, il est fréquent d'y retrouver des bouteilles cassées et d'y constater des dégradations de mobilier urbain et de véhicules. La mise en place d'une caméra endiguera ce problème ».

On ne peut être plus clair. Le jeune, voilà l'ennemi ! Mais fort heureusement nous avons l'arme absolue pour le combattre : une caméra, et hop, on n'en parle plus. La politique municipale, c'est simple, après tout!

Rappelons que l'origine du débat n'était pas « pour ou contre les caméras » mais  « où placer les caméras ? ». Et c'est pourquoi, en définitive, le dit parking BOUDET a obtenu la clémence des élus rebelles qui lui ont généreusement octroyé la caméra tant convoitée, dont la mise en service lui permettra immédiatement de retrouver une douce quiétude. (Mais si ! Mais si ! Puisqu'on vous le dit !).

Que le projet global d'implantation ait été rejeté cette fois-ci est donc anecdotique. On peut aisément prévoir une délibération ultérieure reprenant les contre-propositions des rebelles, et Milly-la-Forêt disposera de ses 14 caméras supplémentaires (financées en grande partie par des subventions publiques) et tout ira pour le mieux dans le meilleur (?) des mondes.

Voilà donc un épisode de la vie milliacoise qui nous montre une fois de plus combien les apparences sont trompeuses. Si débat il y a eu, il n'a pas abordé le fond, c'est à dire la question-même de l'utilité, de l'efficacité et de la légitimité d'un système de vidéo-surveillance (faussement présenté comme de la vidéo-protection).

Puisque certains lieux dits sensibles sont dûment identifiés, n'aurait-il pas été judicieux de s'interroger sur les alternatives à la vidéo-surveillance et notamment sur l'action de la police municipale et de la gendarmerie ?

N'aurait-il pas été judicieux de s'interroger sur l'efficacité de la vidéo-surveillance en général alors que de plus en plus de rapports et d'études la remettent en cause ?
Voir ci-dessous les articles concernant en particulier un rapport de la Cour des Comptes de juillet 2011 dont la conclusion est implacable :
« L’absence, en France, de toute évaluation rigoureuse de l’efficacité de la vidéo-surveillance de la voie publique est une lacune dommageable, notamment au regard du montant des dépenses publiques engagées »

Et puisqu'il est question de sécurité, ne serait-il pas judicieux de se pencher enfin sérieusement sur une autre forme de délinquance dont nous pâtissons quotidiennement : la délinquance routière ?

Oui, Big Brother attendra ses petits frères, mais combien de temps ?


NB : Fidèle à ses habitudes, la mairie de Milly-la-Forêt a publié sur son site internet un compte-rendu édulcoré de ce Conseil. Le détail des discussions n'y figure pas. Pour en prendre connaissance, il faut soit se déplacer à la mairie où le procès-verbal complet est affiché, soit en faire la demande auprès des services municipaux (ce que nous avons fait, mais encore sans réponse d'où un simple compte-rendu en annexe).

Pour en savoir plus sur la vidéo-surveillance :






1 commentaire:

  1. « Nous avons tous été insupportables et il convenait de l’être, car seul l’esprit de contradiction sauve de la routine, et si le rôle de la jeunesse n’était pas de se cabrer contre ce qui est, même si elle l’admire, son rôle se bornerait à l’obéissance et à peupler les champs de bataille. » Jean Cocteau - Citoyen d'honneur de Milly-la-Forêt

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