Il
y a des dimanches après-midi pluvieux où l'on ne regrette pas
d'avoir échangé un peu de temps de loisirs contre un rendez-vous
citoyen autant que bucolique.
C'est
en effet en ce dimanche 11 mai que faisaient halte à Milly-la-Forêt
les caravanes pour la défense d'une agroécologie paysanne (voir
article du 10 mai 2014). Une trentaine de personnes se pressaient à
la ferme (plus exactement dans le fournil) de Véronique BOULNOIS et
Thibault MARIEN pour rencontrer ces ardents défenseurs d'une
conception de l'agriculture que l'on s'étonne de ne pas être
universelle tant sont évidents ses impacts sociaux, sociétaux,
environnementaux et surtout sanitaires.
La
première chose à dire est qu'il s'en fallut de peu pour que le lieu
de rendez-vous fut rejeté hors des frontières milliacoises,
compte-tenu des difficultés à trouver un espace d'accueil.
Étonnant,
vous direz-vous, alors que notre bonne ville, berceau des simples,
semble être le lieu idéal pour recevoir quiconque défend une
certaine idée de l'agriculture traditionnelle et de ce qui va avec :
savoir-faire ancestral et qualité et ce, d'autant que le maire,
François ORCEL, avait, en octobre 2011 signé un engagement pour la
reconnaissance des alternatives aux pesticides à l'occasion de la
fête des simples à Vassivières (voir ici)
Pas
si étonnant, répondrons-nous, lorsque l'on sait que cette
initiative ne fit pas l'unanimité du Conseil Municipal dont les
préférences de certains membres penchent clairement en faveur d'une
agriculture productiviste, donc intensive et peu économe en engrais
chimiques, pesticides et autres joyeusetés.
Mais
carrément étonnante fut la réaction officielle du Conservatoire
National des Plantes, refusant que le site soit « monopolisé »
pour les caravanes avant d'avouer que de toutes façons, « le
conservatoire ne fait pas de politique ».
Quelle
belle illustration des fantasmes alimentés par les mots « caravane »
ou « Confédération paysanne » ! A elle seule, elle
permet de mesurer le chemin qui reste à parcourir pour la diffusion
au grand public d'une information libre et objective.
Cerise
sur le gâteau : l'irruption d'une voiture de gendarmerie dans
la cour de la ferme, d'où surgit un fonctionnaire zélé,
s'attendant probablement à devoir affronter une jacquerie des temps
modernes. Il dut repartir frustré d'avoir raté une si belle
occasion de montrer ses muscles à la collègue féminine qui
l'accompagnait. Indépendamment du caractère finalement comique de
cet épisode (la mouche et le marteau-pilon aurait écrit La
Fontaine), il n'en reste pas moins que des ordres avaient été
donnés, et ça, c'est moins drôle.
Mais
revenons-en au fond de l'histoire, ce qui est finalement le plus
important, c'est à dire une rencontre ô combien intéressante avec
Véronique BISSARDON, Jean-François LIPHOUT (ASPRO PNPP), Jean
SABENCH (Confédération paysanne), Jean-Luc JUTHIER (ASPRO PNPP),
Gérard ERIPRET (Les Amis de la Terre), sans oublier nos hôtes
Véronique BOULNOIS et Thibault MARIEN ainsi que Thomas ROCHE ,
nouvellement installé à proximité.
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Jean-François LIPHOUT, Véronique BISSARDON et Jean-Luc JUTHIER |
Les
« caravaniers » dressèrent deux heures durant un tableau
clair de la situation : le risque énorme de la « privatisation
du vivant » par la confiscation des savoirs et pratiques
paysannes au profit de quelques multinationales brevetant à tout va
et rejetant ainsi dans l'illégalité les agriculteurs traditionnels
produisant, utilisant et vendant des préparations naturelles peu
préoccupantes (PNPP).
Le
purin d'ortie est devenu emblématique de cette question. A l'instar
de nombreuses autres préparations naturelles, celui-ci a de tout
temps été reconnu comme un pesticide efficace. Or, la
réglementation impose au producteur d'obtenir une AMM (Autorisation
de Mise sur le Marché), au même titre que les pesticides chimiques
dont les puissants producteurs (Monsanto, Bayer, Syngenta...etc) ont
l'ambition de monopoliser le marché (voir le dossier ici). Le
résultat est ubuesque : alors que l'impact désastreux sur la
santé des produits phytosanitaires n'est plus à démontrer (ce que
confirme le plan Ecophyto de réduction des pesticides chimiques), ce
sont les préparations naturelles qui sont hors-la-loi : deux
mois de prison ferme et 75 000 € d'amende pour les contrevenants ! (Lire aussi l'article du Républicain de l'Essonne)
Le
combat de l'association ASPRO-PNPP est de faire retirer les PNPP de
cette réglementation (résumé ici), d'où l'idée des caravanes
dont la dernière étape était l'Assemblée Nationale à Paris le
lendemain, lundi 12 mai, et la remise d'une liste d'amendements au
rapporteur de la loi d'orientation agricole actuellement en cours de
discussion et qui repassera en deuxième lecture le 23 juin. Tous les
détails de cette journée sont disponibles sur le site de
l'association (ici). Voir aussi la lettre de remerciements et le communiqué de presse d'ASPRO PNPP.
Les
sujets de préoccupation concernant l'avenir de notre agriculture, donc de notre alimentation et de notre santé, ne
manquent pas. Propriété des semences et OGM cachés (voir ici)
constituent également des sujets majeurs et nous ne manquerons pas
d'en reparler.
Pour
l'heure, en attendant avec espoir le contenu définitif de la loi
d'orientation agricole, nous resterons sur l'excellent souvenir de
cet après-midi du 11 mai.
Convivialité,
simplicité, sincérité, conviction, toutes les composantes d'une force
tranquille au service du bien commun … de quoi nourrir notre
optimisme et notre volonté de soutenir ce combat exemplaire dans
lequel, comme cela fut souligné lors du débat, la mobilisation
citoyenne peut (et doit) jouer un rôle d'appui non négligeable. Les
bonnes raisons ne manquent pas, ainsi que l'évoquait en conclusion
Jean-Luc JUTHIER : « Il faut s'indigner, c'est bon pour
la santé et c'est médicalement prouvé ! »
A
bientôt pour la suite …
Merci
à Véronique BOULNOIS et Thibault MARIEN pour l'accueil et le pain,
à Schahrazed KAID (Biocoop Avon) pour les confitures, à Audrey
BOURSICOT Terres de Liens) et Sylvain PECHOUX (Les Champs du
Possible) pour la diffusion de l'information.